Le dérèglement de nos comportements comme du climat montre que nous
nous sommes détournés du sens, que nous n’avons pas respecté le pacte
fondamental qui nous unissait à la Terre et au vivant. L’île Hans nous rappelle
à la réalité, ravive notre mémoire et notre conscience, nous convainc de
renouer tant avec la nature qui nous environne qu’avec notre nature intérieure.
Adhérer à cette démarche signifie se rattacher à l'évidence, se réconcilier
avec son humanité véritable et ses dimensions les plus subtiles.
Le Canada ou le Danemark n'ont pas besoin d'un kilomètre carré de
territoire polaire en plus (ils en ont déjà des millions). Nous, si. Un petit
kilomètre carré de caillou et de glace tout en haut de la Terre en référence à
notre Pôle intérieur, pour rassembler les facettes éparpillées de nous-mêmes.
Nous sommes tous légitimes à habiter l'île Hans. Hans ne doit appartenir à
personne pour être à nous, rien qu'à nous. Mais à nous tous.
Hans est une toute petite île du haut Arctique qu’un malicieux hasard a
positionnée exactement à mi-distance des côtes canadiennes et danoises, si bien
que personne ne peut déterminer vers quel pays elle penche le plus. Cette île,
à mille kilomètres seulement du pôle Nord, possède un intérêt stratégique pour
le pays qui en obtiendrait le contrôle : elle est le point de passage obligé de
la route maritime qui s'ouvrira quand les banquises de l'océan Glacial auront
terminé de fondre. La posséder est la promesse de contrôler l'accès aux
derniers grands champs pétroliers qui, à l'horizon 2040, n'auront pas encore
été exploités. Ces projections au nom d'intérêts économiques privés s'imposent
au mépris de notre intérêt à tous qui est de conserver une planète vivable, et
au mépris de ce que nous attendons désormais de la puissance : qu’elle entre au
service d’une nouvelle idée du monde.
Les ambitions économiques du Canada ou du Danemark ne nous concernent
pas. Ce qui nous concerne, c’est notre avenir, notre vie, l’urgence d’une prise
en compte sérieuse des paramètres physiques et naturels, alors qu’aucune
décision collective en se sens n'apparaît concluante. Le différend qui oppose
le Canada et le Danemark est d’un autre âge. La Terre ne peut plus être réduite
à un gâteau qu’on se partage pour le livrer à des appétits personnels. Ce jeu
menace le climat comme l’ensemble des écosystèmes, il crée des foyers de
tensions, il nous met en danger. La loi qui doit désormais prévaloir est celle
de la conscience. De notre conscience. Car c’est en conscience que nous
revendiquons à notre tour l’île Hans.
Texte : Emmanuel Hussenet
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire