Dans sont dernier rapport (2013/2014) le GIEC se montre pessimiste quant à la capacité de l'humanité à limiter le réchauffement
anthropique à 2°C, conformément à l'objectif que se fixent les 195 pays qui
participent aux conférences sur le climat. Ces 2°C se traduiraient, dans
l'Arctique, par un réchauffement de 8°C, une disparition définitive des
banquises pluriannuelles et une fonte accélérée des calottes glaciaires,
entraînant une forte montée des océans. Selon les experts, tout porte
malheureusement à croire que cette limite "de sécurité climatique"
sera franchie.
Compte tenu des incidences sur
l’ensemble des systèmes climatiques et écologiques de l’excès d’émissions de
CO2, il est vital de réduire significativement la consommation d’énergies
fossiles et de modérer leur exploitation. Les réserves de pétrole, gaz et
charbon sont hélas suffisantes pour, si elles continuent d’être exploitées au
rythme actuel, entraîner des bouleversements irréversibles et des catastrophes
démesurées.
Dans ce contexte, envisager
l’exploitation des réserves de pétrole encore intactes de l’Arctique constitue
pour chacun de nous une menace directe. La modification de la chimie de
l’atmosphère par les activités humaines a des impacts tant sur le climat que
sur les océans et la stabilité des stocks d’hydrates de méthane. Ces impacts
font l’objet de recherches très approfondies qui ne laissent aucun doute sur
l’immense danger que représente une carbonisation excessive de l’atmosphère.
Un taux de CO2 jamais connu
depuis au moins 800 000 ans
En 2012, le taux de carbone de
l’atmosphère terrestre a dépassé le seuil de 400 ppm (parties par million),
alors que les scientifiques estiment que le taux maximal « acceptable » est de
350 ppm ; il était de 250 ppm au XVIIIe siècle. L’analyse de la glace de
l’inlandsis de l’Antarctique a permis de remonter de 800 000 ans dans les
archives du climat et montre qu’à aucun moment, durant cette période,
l’atmosphère n’a connu une telle concentration de gaz carbonique. Or, l’on sait
depuis le milieu du XIXe siècle que le CO2 joue un rôle essentiel dans l’effet
de serre de notre atmosphère, effet de serre sans lequel la température moyenne
de la Terre avoisinerait – 15°C, au lieu de 16°C actuellement. À titre
comparatif, si la planète Vénus, plus proche du soleil, avait le même taux de
carbone que la Terre, sa température serait de 50°C en moyenne. Or son
atmosphère est composée à 96% de CO2 et il y fait 460°C.
Fonte du permafrost : le
risque d’emballement du climat
Le réchauffement global entraîne
la fonte des sols gelés des régions polaires, particulièrement en Sibérie et au
nord de l’Amérique. Ces sols, qui n’ont pas dégelé depuis la période qui
précède la dernière glaciation, enferment des molécules de méthane issues de la
décomposition de micro-organismes. Ces molécules, jusque-là enfermées dans une
enveloppe d’eau gelée, sont libérées par le dégel et viennent participer à
l’effet de serre. Le méthane est un gaz à effet de serre vingt fois plus
efficace que le CO2 au bout de cent ans, quatre-vingt fois au moment de son
émission.
La bombe à retardement des hydrates de méthane
Certains fonds marins sont
tapissés d’un « composé glacé et inflammable » appelé hydrate ou clathrate de
méthane. Les quantités d’hydrates de méthane sont considérables, elles
dépasseraient l’ensemble des stocks de charbon, et l’on envisage leur
exploitation pour remplacer le pétrole. Or il s’agit encore de composés
carboniques, et le réchauffement des océans a commencé à provoquer leur fonte
naturelle. Il résulte de cette fonte des dégazages susceptibles d’accélérer
encore le réchauffement global.
Le chercheur Orjan Gustafsson,
qui a mené des recherches sur le dégazage naturel en mer de Laptev, en Sibérie
orientale, constate : « Une vaste zone d'intense libération de méthane a été
découverte. Sur les précédents sites nous avions relevé de fortes concentrations
de méthane dissous dans l’eau. Nous avons observé pour la première fois une
zone où la libération est si intense que le méthane n'a pas eu le temps de se
dissoudre dans l'eau de mer, mais arrive sous forme de bulles de gaz à la
surface. À certains endroits, la concentration de méthane dans l’air atteint
100 fois le niveau habituel. »
Le comportement de ces réserves
sous-marines de méthane revêt une importance majeure car leur libération subite
dans l'atmosphère a pu provoquer par le passé une augmentation brutale de la
température terrestre, entraînant une extinction massive des espèces. Les
chercheurs pensent que le réchauffement rapide qu'a connu l’Arctique au cours
des dernières années pourrait être en partie lié à ce phénomène.
Texte : Emmanuel Hussenet
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